Making of de l’exposition – La mission des commissaires en Russie (novembre 2010)

– Comment il s’appelait, l’autre là-bas ? Gor… comment déjà ? Gorbytchev ? Ah ! Oui… Gorbatchev, c’est ça, vous avez raison ! La scène se passait au Musée d’histoire contemporaine de Moscou. Une gardienne zélée avait tenu à nous accompagner jusqu’à la salle « perestroïka » difficile à trouver en raison des travaux de réaménagement. Tout en marchant d’un pas décidé, elle nous annonçait solennellement l’ordre chronologique : « Lénine ! Staline ! Khrouchtchev ! Mais au fur et à mesure qu’on se rapprochait de la période contemporaine, la mémoire lui manquait. Gorbatchev ne faisait pas partie de ses références. La perestroïka était beaucoup plus populaire à l’extérieur du pays qu’à l’intérieur, nous le savions déjà, mais nos hypothèses étaient confirmées !

La « loi sèche » (mesure prise contre l’alcoolisme) de Gorbatchev avait provoqué des émeutes et elle avait largement contribué à le discréditer aux yeux des citoyens. Un soir à Saint-Pétersbourg, nous avons compris qu’elle n’avait plus cours. En revenant du restaurant Mozart où nous étions allés dîner, nous nous sommes retrouvés à la porte du Musée d’histoire politique qui nous hébergeait. Il faisait nuit, il faisait froid, et le gardien avait préféré s’enfermer dans sa loge qui sentait le chou pour boire tranquillement sa bouteille de vodka. Vertement tancé par le directeur, il prit soin par la suite non seulement de ne commencer à boire qu’après notre retour, mais aussi de nous compter scrupuleusement, nous étions trois.

Nous cherchions des témoignages sur la période choisie pour l’exposition, et avons posé à beaucoup de gens la question suivante: « Si vous entendez le mot ‘perestroïka’, quel mot vous vient spontanément à l’esprit ? » le mot ‘chaos’ a décroché la palme. Les personnes interrogées avaient entre 12 et 85 ans. Celle qui confondait un peu Staline et Gorbatchev était évidemment celle de 12 ans. Celle qui avait eu peur de manquer de pain était évidemment celle de 85 ans, encore habitée par des souvenirs douloureux. Pour les autres « Tout était sens dessus dessous », « c’était l’anarchie », les intellectuels éclairés prononçaient les mots ‘liberté’ et ‘espoir’, mais avec des restrictions. Certains étaient dans le flou quant aux dates « Vous qui étudiez la perestroïka, vous allez nous dire : c’était quand déjà ? ».

Annette Melot (commissaire), avec la complicité de Carole Ajam et Jean-Robert Raviot

Annette Melot et Jean-Robert Raviot à la photothèque de Memorial

Debriefing dans la cuisine

Carole et Jean-Robert Raviot, en séance de débriefing-pyjama dans la cuisine. Les commissaires étaient logés dans un appartement du Musée d'Histoire politique, à Saint-Pétersbourg

Annette Melot avec Elena Strukova, conservateur à la Bibliothèque Publique Historique de Russie, responsable des imprimés informels

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